Covid-19 et Environnement. Pour une coopération élargie en Méditerranée vers une transition verte
La pandémie du Covid-19 a affecté durement les économies et les systèmes de santé publique de tous les pays et à un degré plus grand ceux du bassin méditerranéen. Elle est venue aggraver les impacts des changements climatiques et environnementaux, particulièrement pour les pays du Sud de la Méditerranée. Pour l’Algérie, elle a également aggravé la crise économique résultant de la baisse des recettes des exportations des hydrocarbures, constituant l’essentiel de ses recettes budgétaires. Les économies de pays comme le Maroc et la Tunisie, dépendant fortement du tourisme international, ont également subies de grands chocs.
Crise ou opportunité ?
Les perspectives de cette crise demeurent encore floues et ont déjà imposé aux pouvoirs publics des réponses conjoncturelles d’urgence, nécessaires pour assurer en priorité la résilience à court terme des systèmes de santé publique. Cependant, une tendance aujourd’hui globale indique le nécessaire verdissement des stratégies de relance économique post Covid-19. Beaucoup de pays et d’institutions internationales considèrent en effet aujourd’hui cette crise comme une opportunité pour changer de modèle de croissance et accélérer l’agenda international, notamment pour maintenir le réchauffement global à une limite acceptable pour l’humanité, le seuil des 2°C étant déjà considéré comme dépassé.
L’Union Européenne revendique aujourd’hui un leadership dans cette direction et a adopté récemment un plan de relance multidimensionnel et multisectoriel, le « Green New Deal for Europe[1]», doté de moyens financiers très importants et considéré de fait comme une stratégie post-Covid19, solidaire et inclusive.
Des pays comme l’Algérie semblent également suivre cette tendance, avec des moyens certes moins importants, mais une politique volontariste centrée sur la diversification et le verdissement de son économie, portés principalement par la transition énergétique. L’adaptation aux effets du changement climatique représente également un axe important de cette politique car le pays présente une grande vulnérabilité. Certes ces politiques ont été initiées avant la crise du Covid-19, mais cette dernière a agi comme un révélateur de l’urgence de leur mise en œuvre et de la nécessité de certaines corrections et révisions.
L’approche de l’Algérie
Le secteur de l’environnement en Algérie, à l’instar des autres pays du Maghreb Arabe (Tunisie, Maroc) connaît depuis plusieurs années une dynamique importante, centrée essentiellement sur les trois conventions « sœurs » des Nations Unies (changement climatique, biodiversité et désertification) et l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD).
Toutes ces thématiques ont un lien fort avec la santé publique. En effet beaucoup de pathologies et de maladies chroniques sont liées aux effets des changements climatiques et environnementaux, notamment les maladies respiratoires. De même l’apparition de maladies nouvelles et leur transmission vers l’homme semblent, même si cela n’est pas encore avéré scientifiquement, avoir pour origine les changements environnementaux (déforestation et atteinte à la biodiversité essentiellement) et les changements climatiques. Le déplacement vers le nord des isolignes de température et des isohyètes entraîne avec lui également le déplacement des insectes vecteurs de maladies et virus graves comme la Dengue, le Chikungunya, le Zica et le paludisme.
De même, la gestion intégrée des déchets constitue un enjeu primordial pour la santé publique.
L’apparition de la pandémie du Covid-19 a mis en exergue l’importance et l’urgence de ces problématiques au regard tout d’abord de l’atténuation des facteurs de risques pour les populations les plus vulnérables et de l’efficacité de l’action publique en matière d’hygiène publique et sanitaire. A titre d’exemple, la production des déchets spéciaux et dangereux (hospitaliers) a connu une augmentation de 56% depuis le début de la pandémie[2] et a nécessité une prise en charge importante des agences spécialisées et des collectivités locales avec notamment la mise en place de protocoles spéciaux.
La pandémie du Covid-19 est d’ores et déjà considérée par les pouvoirs publics comme un révélateur de la gravité des impacts des changements climatiques et environnementaux et la stratégie gouvernementale pour la période post-pandémie intègre le secteur de l’environnement comme un secteur prioritaire. A cet effet, le ministère de l’environnement vient de se doter récemment d’un comité sectoriel permanent[3] de recherche et de développement technologique chargé de concevoir, de mettre en œuvre et du suivi des programmes de R&D du secteur de l’environnement. Un axe particulier y est dédié à la problématique environnement-santé et plus particulièrement aux impacts négatifs des changements climatiques et environnementaux. Un des instruments de cette politique sera la création d’équipes de recherche mixtes avec les universités et l’incubation et/ou l’accélération d’entreprises spécialisées dans l’environnement.
D’autres projets ont également vu le jour où on été relancés à la lumière de cette crise. Nous citerons à titre d’exemple le lancement de l’élaboration du Plan National d’Adaptation au changement climatique, la révision de la feuille de route pour la transition énergétique, la création d’une école supérieure pour les énergies renouvelables et le développement durable et la relance du projet du barrage vert dans le Sahara.
Ainsi, les pouvoirs publics et les autres acteurs du développement en Algérie semblent convaincus aujourd’hui que les stratégies de réponse à la crise du Covid-19 et de relance économique post-crise doivent intégrer une vision prospective de développement durable permettant de réduire les vulnérabilités de l’Algérie dans tous les domaines et la rendre plus résiliente à de futurs crises sanitaires, climatiques et économiques.
Pour une coopération élargie en Méditerranée vers une transition verte
Plus que jamais, le rôle de la recherche et de l’éducation au développement durable apparait comme crucial pour accélérer la transition verte en Méditerranée dans les stratégies post-Covid-19. Le changement de paradigme consistera à rendre effectif et durable la relation « recherche – formation – entreprise », notamment des pays du Sud.
La Méditerranée, au regard de la similitude et de la complémentarité des enjeux environnementaux, climatiques et économiques, apparait comme un espace judicieux pour une coopération élargie aux domaines de la formation et de la recherche pour le développement durable (FRDD), de l’innovation technologique et du transfert technologique avec l’association étroite des acteurs de l’économie et de l’entreprise.
Des cadres idoines pour cette coopération existent déjà dans cet espace et sont déjà très actifs. Qu’ils soient politiques (politique de voisinage de l’Union Européenne, Dialogue 5+5, Union pour la Méditerranée) ou économiques et entrepreneuriaux, ils méritent aujourd’hui d’être investis pour y développer de telles stratégies et les décliner en projets innovants en optimisant l’usage des ressources et instruments financiers existants.
[1]https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr
[2] Déclaration de la Ministre de l’Environnement à la Radio nationale (16 juillet 2020).
[3] Arrêté du Ministre de l’Environnement du 29 juin 2020.